L’offensive religieuse des médias de Bolloré

Les responsables de CNews ont plaidé l’« erreur ». Comme un simple dérapage sur la chaîne d’information détenue par le milliardaire Vincent Bolloré ayant conduit le journaliste Aymeric Pourbaix à présenter, dans une infographie, l’interruption volontaire de grossesse comme la « première cause de mortalité dans le monde ». Rétropédalage, excuses, jusqu’à celles de Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ chargé des antennes, qui a expliqué que la séquence « avait précisément été supprimée lors du montage final et n’aurait donc jamais dû être diffusée » dans ce numéro d’« En quête d’esprit » du dimanche 25 février.
Celle-ci a d’ailleurs disparu des canaux officiels de la chaîne, qui n’a pas mis en ligne le replay de l’émission ; une méthode radicale déjà éprouvée par la télévision de Bolloré, qui avait fait de même pour le numéro de « Touche pas à mon poste » du 5 février, fortement critiqué pour son interview de l’ex-vedette de télé-réalité Loana, venue témoigner d’un viol. Sur Europe 1, qui codiffuse « En quête d’esprit » depuis un mois, le replay audio a bien été mis en ligne, mais tronqué de la partie problématique.
L’« erreur » pourrait être crédible si elle ne s’inscrivait pas dans une offensive idéologique plus large de l’empire médiatique bolloréen sur le front des valeurs conservatrices et religieuses. Dans le seul cadre de l’émission de dimanche, le discours antiavortement était loin de se limiter à ce passage de quelques secondes ; c’est une heure de débat (non contradictoire) anti-IVG qui a occupé l’espace de la chaîne d’information entre 13 heures et 14 heures.
Morceaux choisis de propos tenus par Lucie Pacherie, juriste chargée de plaidoyer à la Fondation Jérôme-Lejeune, connue pour ses positions défavorables à l’avortement : « la vie humaine commence au moment de la fécondation, aucun scientifique n’en doute », « aujourd’hui, en France, on est encouragé à l’avortement et on n’est pas encouragé à la maternité », jusqu’à, dans les dernières minutes de l’émission, considérer que l’avortement « n’est pas un droit mais bien une exception à un article qui prévoit la protection de l’être humain dès le commencement de sa vie » (l’article 16 du code civil dispose que « la loi garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie »).
« Avorter, c’est contraire à la mission de la femme », a encore affirmé une autre invitée, Sylvie Lepetit, professeure de lettres, quand la journaliste Véronique Jacquier relançait le débat en demandant : « que répondre à ceux qui disent que l’avortement est anodin » puisqu’« on nous le vend presque comme un moyen de contraception ».
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